Arabstazy et le nouveau panarabisme électronique
“Stazy tient ici pour extase” explique Mettani, fondateur du collectif Arabstazy. “Nous ne sommes la police de personne, ni d’aucun groupe. Les musiques dont nous nous inspirons n’appartiennent à personne.” Leurs histoires elles, sont complexes, denses, avec des ramifications à chercher bien au-delà de l’Afrique subsaharienne.
Au sein de la plateforme multidisciplinaire Arabstazy, on se balade en terres chiites, Shaabi ou Stambali – une musique de possession rituelle ancestrale, qui survit dans quelques lieux tunisiens. C’est typiquement de ce genre de sonorités mystiques, réservées aux cérémonies de transe, dont se nourrissent les membres du collectif, musiciens, producteurs, vidéastes et photographes dispersés entre Paris, Tunis et Berlin.
Une plongée savante et instinctive dans les patrimoines malmenés de pays qui continuent d’espérer un second souffle démocratique. À la clef ? Un possible panarabisme électronique, capable de faire exister les undergrounds tunisien, égyptiens et même syriens dans une indépendance unie, autrement que par le prisme de la récupération ou du dépoussiérage à l’occidentale : “j’ai fondé Arabstazy suite à l’agitation sociale des printemps arabes, qui ont été le théâtre de profondes mutations de l’écosystème artistique maghrébin” confie Mettani. “Avec Arabstazy on ne cesse depuis d’interroger la signification et la pertinence de la supposée unité arabe, en explorant comment le monde arabe est perçu, perçoit les autres, se perçoit lui-même, perçoit la perception que l’on a de lui, perçoit sa propre perception de lui-même, et ainsi de suite.”
“Assumer notre identité mosaïque, plonger nos racines vers le futur, mettre en lumière les traditions des pays dont nous sommes issus pour les réinterpréter. Créer un langage artistique nouveau, débarrassé de ses préjugés orientalistes et colonialistes…”Arabstazy pose ainsi les fondations de ce qui pourrait être la nouvelle vague du futurisme nord-africain et moyen-oriental.
Esthétique dépouillée et anxiogène, productions ténébreuses pour soirées sous capuche… Le Projet Chaos emmené par Mettani livre en septembre 2019 le second volet de sa compilation en trois parties, “Under Frustration”. En gestation depuis plus d’un an, le nouveau projet discographique collectif de l’autre rive est toujours distribué en France par InFiné, et revient cette année avec plusieurs producteurs installés aux États-Unis : “à choisir entre instinct et contextualisation, je préfère simplement empoigner mon patrimoine” explique Mettani. “C’est de cette envie que la compilation Under Frustration a émergé, “cet opus est un manifeste de la diversité, de l’hétérogénéité et de la complexité qui définissent le monde arabe.”
Un monde où le geste créatif est régulièrement contraint. Contraint par la dictature – politique, sociale ou religieuse. La contrainte comme un fil rouge, tendu entre différents artistes qui traversent, chacun à leur façon, la frustration créatrice.
Sortie le 13 septembre – InFiné & Shouka
Compilation « Under Frustration vol. 2 » Arabstazy
Tracklist
01 • Saint Abdullah – Zeynab
02 • DJ Haram – Overeager
03 • Khan El Rouh – Mount Qaf
04 • Okydoky – Mother’s Milk
05 • Hello Psychaleppo – 100=1
06 • Rafael Aragon & Stas – Ik Vari Do Vari
07 • Nazal – Pigment Liner
08 • Adam Jawad – Agnostikh
09 • Praed – Pyramids in the Sky
10 • Miss Machine – Desire