Le terme arabe « dhakar » – titre de ce nouvel EP de Deena Abdelwahed – signifie « mâle » ou « masculin » en français. Une thématique universelle chargée de sens et d’émotion qui suscitera l’intérêt de toutes les audiences au-delà des pays et des frontières.
Avec cet EP, la tunisienne réputée pour ses explorations musicales entre bass, techno et expérimentale, a décidé de se tourner davantage du côté des dancefloors. Si Deena se garde bien les de citer ouvertement, ces nouveaux morceaux puisent leurs influences dans les rythmiques, les chants et les instruments populaires de sa région natale. Une preuve supplémentaire de la capacité unique de la productrice à transcender le répertoire musical arabe en musique club moderne, exigeante et singulière.
Le premier morceau « Lila fi Tounes » s’inspire discrètement d’un standard du jazz « A Night In Tunisia ». Le titre s’appuie sur une montée progressive, puissante et vibrante, qui nous tient en haleine sur toute la durée du morceau. Masculinisant sa voix, Deena laisse miroiter une réalité hypnotique éloignée des clichés sur les soirées tunisiennes.
Les rythmiques de « Ah’na Hakkeka » tirent leur influence du rituel Stambeli, le Gnawa tunisien. Explosif, sa sève funk se mue dans ses synthétiseurs décadents avec pour toile de fond des chants d’hommes ivres, comme autant évocations dépravées du Tarab égyptien (plaisir pris en écoutant de la musique).
« Insaniyti » est une version métallique et acerbe du « Mezwed », un genre musical populaire tunisien patriarcal par excellence, et traditionnellement lié aux récits mélancoliques et aux thématiques sociales. Mettant l’accent sur une interprétation volontairement ambiguë de la masculinité, les violons et les percussions font monter l’auditeur en pression, et font état d’un sentiment d’auto-victimisation particulièrement flagrante face aux contraintes imposées par la société auprès de la population masculine.
Clôture du maxi, « Zardet Sidi Bagra » replace le débat au cœur du dancefloor. Ses percussions endiablées, sa boucle de synthé maladive et sa chorale de voix mutantes s’imposent activement sur la mécanique des corps.
Percutant et taillé pour le dancefloor, Dhakar reprend l’énergie et la spontanéité qui caractérisait le premier EP de Deena, « Klabb » tout en dévoilant une complexité riche et fascinante. Détournant les principes de la musique club avec des sonorités inédites mais inscrites dans des thématiques du réel, Deena prouve avec ce nouveau maxi qu’elle sait aussi bien canaliser les activités cérébrales que viscérales des usagers des dancefloors.
Sortie le 17 janvier – label : InFiné
Deena Abdelwahed – Ah’na Hakkeka
Tracklist
- Lila Fi Tounes
- Ah’na Hakkeka
- Insaniyti
- Zardet Sidi Bagra