La musique de Frieder Nagel vise toujours juste lorsqu’il s’agit de nous raconter une histoire. Ses grappes de sons sans fin sont comme un essaim d’oiseaux sauvages se libérant de leur cage pour suivre une cause perdue avec une confiance sans fin.
« Karoshi » – terme japonais décrivant le phénomène de burnout au travail entrainant la mort – est apparu pour la première fois dans des articles de journaux japonais suite à la multiplication de décès de jeunes directeurs qui n’avaient pourtant manifester aucun symptôme particulier. Ces morts soudaines ont sans aucun doute été causées par une forte pression mentale, une conséquence même du capitalisme destructeur prônant les bienfaits d’une croissance sans fin et les vertus d’un environnement ultra technologique. « Aujourd’hui l’optimisation de soi est le consensus moral extrême et toute une génération travaille seulement dans le but de pouvoir payer son loyer dans un monde globalisé aux possibilités soi-disant infinies. » dit Nagel.
Le morceau éponyme du second EP de Nagel transcende la notion de pression à l’échelle individuelle pour l’exprimer dans un vaste espace rythmique où les mélodies se mélangent et se répètent pour former une bulle d’émotions, le tout appuyé par une basse oppressante et puissante. L’intensité du premier morceau est naturellement prolongée dans le second appelé ‘Circuits’, dans celui-ci la pression s’intensifie au point de faire ressentir une sorte de paranoïa.
Ce second morceau est construit autour de boucles hypnotiques créées par plusieurs sons de clarinettes – et notamment ceux d’un Juno 60 et d’un synthétiseur Moog Sub 37 – donnant l’impression d’une course poursuite à travers un ensemble de « circuits » électroniques ; l’ensemble est souligné par l’apparition de cordes massives et d’un beat rugueux. L’auditeur se sent comme instantanément pris et persécuté dans cette esthétique sonore, celle-ci trouve son origine dans les bandes sons des sciences-fictions apocalyptiques de la fin des années 80, auxquelles Nagel vient ajouter les textures fines et complexes de l’électronique moderne.
Le titre qui suit ‘Disburden’ forme, grâce à des accords majestueux, une mélodie qui vient contrebalancer le genre avec la vitesse et la complexité des éléments rythmiques. Ce sont les pauses qui permettent à l’esprit de prendre le temps, pendant l’écoute, de capturer l’énergie et de récupérer son souffle.
Le dernier morceau ‘Breeze’ est sans doute le morceau le plus solaire de l’EP. Une évolution constante et progressive permise par des boucles euphoriques de piano, de sirènes nous rappelant le morceau d’ouverture de Blade-Runner par Vangelis, d’instruments à vent, de samples de voix rêveurs ainsi que d’une forte basse.
En plus des 4 titres de « Karoshi », deux edits supplémentaires prolongent l’essence de cet EP, pour rendre l’écoute plus direct à ceux qui n’ont pas eu la chance ni l’occasion de se plonger totalement dans l’univers sonore unique de Nagel où se mélangent et se confondent euphorie et enthousiasme dévastateur.
Sortie le 3 avril 2020 – Label : InFiné
Frieder Nagel – Circuits
Tracklist
- Karoshi
- Circuits
- Disburden
- Beeze
Additional edits
- Circuits (Schactkreise edit)
- Breeze (Luftzug edit)