Jean-Benoît Dunckel revient avec un nouvel album sous son nom propre, JB Dunckel, pensé tel un manifeste : “Il y a un côté spatial sur cet album Carbon, mais ce n’est plus Moon Safari. Finie la magie de l’espace fantasmé, les voyages intersidéraux et la science-fiction un peu rétrofuturiste, ici c’est plus profond. Pendant le confinement, nous avons pu ressentir notre attachement à la terre, se souvenir que nous étions des créatures qui avaient notamment besoin d’eau. J’ai ressenti cette attraction, cette dépendance à la nature”, explique-t-il depuis son Studio Atlas du 19ème arrondissement, où est né ce disque. “Le carbone, c’est l’élément du siècle, on essaie de décarboner l’économie, mais c’est aussi dans notre organisme. Associé à l’hydrogène, c’est dans notre structure moléculaire, c’est l’âme qui habite notre corps. C’est un élément très stable, constant, universel, qui voyage pour se recombiner dans le cosmos”, détaille-t-il.
Encouragé par l’accueil enthousiaste de l’album Mirages composé avec Jonathan Fitoussi, sorti en 2019, Jean-Benoît Dunckel veut poursuivre ses expérimentations. “On a tous la folie de trouver un super hit mais avec le succès de Mirages, je me suis rendu compte que plein de gens aiment la musique instrumentale ambiante, profonde qui représente un univers immersif avec de belles harmonies et textures qui donnent l’impression d’ouvrir la terre sous ses pieds”. Carbon a été influencé par son récent travail sur les musiques de films et séries, de sa BO d’Eté 85 de François Ozon (nommé aux César), au documentaire le Capital Du 21ème Siècle, en passant par la nouvelle série Les sept vies de Léa et le prochain film Normale d’Olivier Babinet. S’il compose désormais en solo, le travail à l’image avait fait entrer son duo Air dans l’histoire des B.O. les plus reconnaissables (avec notamment Virgin Suicides, Lost In Translation et une bande son imaginée pour Le Voyage dans la lune de Méliès).
“Carbon est un album d’abandon, je ne cherche plus à faire de singles pop en ce moment, je me suis permis de me retrouver ainsi que la profondeur du son.” Avec des marimbas, du glockenspiel, du vibraphone, il va haut dans les fréquences, et est allé “au maximum du tolérable au mastering dans les graves, car pour moi, la musique doit avoir un large spectre”, explique-t-il. “Mon instrument, c’est un peu mon studio. Je joue du studio, comme un chef d’orchestre, avec tous les instruments présents qui s’animent, avec quelques musiciens (Louis Delorme sur certaines batteries, Thibaut Barbillon sur guitares, Guillemette Foucard à la voix sur Corporate Sunset). C’est un album aussi informé par le monde qu’il propose de s’en déconnecter. Mixé en Dolby Atmos, il reprend les technologies des salles de cinéma pour être écouté de manière immersive. »
Le premier titre, Spark fait office de zone tampon pour entrer dans l’album : “c’est de la musique de recherche, parfois mathématique, et sérielle”, explique l’ancien prof de maths et de physique dont l’intérêt pour les interactions entre sciences et musiques n’a jamais faibli. La chanson avec Heather D’Angelo du groupe Au Revoir Simone, qui avait déjà travaillé avec Air sur l’album Le voyage dans la lune, se concentre sur la vacuité de l’espace. Dare interroge l’humain en tant que pollueur inconditionnel. Corporate Sunset est, lui, un single expérimental et instrumental pensé comme un “ train où s’engouffrent des gens de toutes les nationalités, dans un territoire où les corporations sont les nouveaux dieux et où certains aiment faire partie d’un monde où elles sont incontournables. J’imaginais vivre ce genre de vie, assez loin de mon propre ressenti”. Shogun est en revanche un morceau japonisant. Zombie Park évoque les crackheads du quartier Jaurès, “qui avancent en zombies, perdus, aux portes de l’enfer”. Le titre Sex UFO a lui été il y a cinq ans, “c’est un morceau plein d’humour” qui fait référence aux lumières apparues dans le ciel de Phoenix en 1997 qui laissaient penser qu’il s’agissait d’un vaisseau extraterrestre. Crystal Mind évoque ces instants de clarté d’esprits, “quand on sent le temps passer, c’est un peu comme dans un verre d’eau que tu laisses reposer et dont les poussières tombent au fond du verre”, décrit JB Dunckel. Le synthétiseur du refrain (le PPG Wave 2.2) accompagne cet état de clarté.
Le dernier titre de l’album avait été composé pour le début du film Poissonsexe d’Olivier Babinet, sur une scène de plastiques flottant dans la mer. Non utilisé, il a été recyclé, ou plutôt revalorisé, pour être placé en fin d’album, où traditionnellement, depuis Air, JB Dunckel laisse les pistes se refermer sur un morceau planant. “Sur ce titre, il est question de changement d’ère (sans jeu de mots). La période que nous traversons est un curseur dont on se souviendra toujours”. L’album Carbon est l’album de ce tournant, aussi inquiet et nihiliste qu’optimiste sur les possibilités de continuer de créer et agrandir la carte des odyssées sonores.
Sortie le 24 juin 2022 – Label : Prototyp Recording
JB Dunckel – Corporate Sunset x Zombie Park x Shogun Live @ Studio Atlas
Tracklist
- Spark
- Corporate Sunset
- Space
- Shogun
- Zombie Park
- Dare
- Sex Ufo
- Cristal Mind
- Naturalis Principia Musica