Aārp – Propaganda

Aārp grandit bercé par la musique, que ses parents enseignent. Il hérite de cette culture comme d’une chance monumentale, parfois monolithique, entre le Conservatoire et les disques familiaux de Bach, Mendelssohn ou Chopin. C’est adolescent que son frère l’initie à l’exubérance du label Warp, avec l’album Hello Everything de Squarepusher, dont les arpèges du morceau « Planetarium » l’ont certainement marqué au point d’en tirer son nouveau diminutif scénique, lorsqu’il se défait de The Wanderer, son précédent alias : ce sera Aārp, pour arpèges. Suivent Autechre, Aphex Twin ou Amon Tobin, qu’il emprunte à la médiathèque. Puis Carl Craig et Francesco Tristano, Dont le mélange d’électronique et de piano l’orientent déjà vers InFiné.

À la suite d’un tweet sur Rone, Alexandre Cazac, le DA d’InFiné, le contacte et lui met le pied à l’étrier d’un remix du groupe maison Downliners Sekt, puis de son premier EP ArchiTextures, suivi d’ArchiTextures. Rmxd en 2016. Un compagnonnage familial stimulant pour Aārp, qui compose l’EP Nova Gemmae en 2019, tout en menant de front son métier de jeune professeur. Une dualité qui sied à la notion de service public, qu’il a chevillée au corps. Cet art du contrepoint, classique / électronique, musique / enseignement, il l’aborde en composant le week-end et pendant ses vacances, impératif d’emploi du temps qui catalyse son intensité. L’artisanat de la musique électronique lui permet de produire vite et seul, là où la partition nécessite d’être jouée par l’industrie de l’orchestre. L’organisation de l’espace et le jeu des timbres restent cependant une passionnante émulation.

Cette quête de sens se retrouve dans Propaganda, premier album composé l’été 2019, en pleines crises sociales. Très marqué par les injonctions politiques violentes qui se répercutent jusque dans les corps, il décide de les traiter avec son ironie propre. Aārp a en tête le livre Propaganda du spécialiste américain Edward Bernays, et tourne en dérision la malhonnêteté intellectuelle d’énoncés purement artificiels. Il en parsème les titre de ses morceaux, citant George Bush (« The ‘Axis of Evil’ » dont la ligne mélodique claire sur une trame dense, suggère Oneothrix Point Never), Margaret Thatcher (« There is no alternative »), mais aussi les oxymores cyniques de Monsanto (« Roundup, the herbicide that gets to the root of the problem ») ou Philip Morris (« Delivering a smoke-free future »).

Pour incarner ces intentions, Aārp n’a pas recours aux bruits de manifestations ou d’explosions. Ses textures électroniques suffisent : matières organiques, frottements chromatiques, mélodies lumineuses… un lyrisme iridescent parfaitement à sa place chez InFiné. Aārp revendique sur cet album beaucoup de bricolages, une profusion de sons, des digressions maximalistes, n’aimant rien tant en musique que l’idée de mouvement, de vie, de sentiments débordants. Il a d’ailleurs mixé Propaganda lui-même, comme un tableau, laissant libre cours à son impressionnisme romantique. Il le clôt sur un message d’espoir, qui emprunte son titre à Saint-Just : « Les malheureux sont les puissances de la terre ». Citation qui se poursuit en affirmant : « ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvernements qui les négligent. » Avec Propaganda, Aārp rend justice à l’urgence de l’époque avec une maestria luxuriante et maîtrisée.

 

Sortie le 22 mai 2020 – Label : InFiné

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Aarp – There Is No Alternative © Marco Dos Santos
 
 

Tracklist

  1. Ça fuit de partout [G. Deleuze]
  2. Condamnez-vous les violences ? [Éditocrates]
  3. The “Axis of Evil » [G. Bush]
  4. Less than 1% of patients become addicted [Oxycontin Commercial from Purdue Pharma]
  5. There is no alternative [M. Thatcher]
  6. Nada es gratis en esta vida [S. Piñera]
  7. The herbicide that gets to the root of the problem [Monsanto]
  8. I prefer a liberal dictator to democratic government lacking liberalism [F. Hayek]
  9. Green Growth
  10. Delivering a smoke-free future [P. Morris]
  11. Les malheureux sont les puissances de la terre [Saint-Just]
    Bonus vinyle : You Can Do It [G. Deleuze]