Pangar – 1

« Pangar » vient du créole « prends garde », qui signifie « fais attention » – et ce n’est pas une question, c’est un impératif. La musique de Kwalud et Betnwaar qui composent ce duo, qui ont commencé comme DJ et producteurs à La Réunion, n’est pas seulement un melting pot mais plutôt un cocktail d’idées, d’influences, de rythmes et de sons explosifs. Une énergie extrême bouillonne au cœur de ces morceaux qui s’engouffrent et s’entrechoquent dans une danse continue mêlant tension et libération.

Plus d’une décennie après s’être installés à La Réunion et s’être intégrés à ce fascinant mélange de cultures de l’île, les deux hommes ont trouvé la musique qu’ils voulaient faire : Pangar. S’inspirant du maloya, du soca, du dancehall, des percussions indiennes, de la dance music britannique actuelle (la liste pourrait être interminable). Leur inspiration vient aussi de thèmes sociétaux et culturels, aussi bien de La Réunion que dans le monde (voir le clip vidéo Pangar – HA KA). C’est avec tout cela que ces deux musiciens ont réussi à créer un mélange vraiment unique et captivant.

Leur premier EP sur InFiné est intitulé « 1« , induisant l’idée que d’autres suivront, mais signalant peut-être aussi le dernier moment d’un compte à rebours : trois, deux, un – Pangar ! Alors que les premières notes de ‘$ea66’ nous guident lentement dans cet étrange monde sonore mais quelque chose s’attarde en dessous – puis comme frappé par une vague déferlante nous nous retrouvons sur la Nouvelle Route du Littoral, l’autoroute de béton au-dessus de la mer qui entoure La Réunion. Les forces de la nature et les machines fabriquées par l’homme s’affrontent comme une multitude d’influences sur chacune des productions de Pangar, créant une tension presque insupportable ainsi qu’une libération extatique.

Kwalud et Betnwaar ont développé une oreille exquise pour la polyrythmie, le subtil va-et-vient entre les couches de percussions frénétiques. ‘Pangar’, le deuxième morceau de cet EP est un tour de force de la polyrythmie. Ici, le Maloya parcourt l’océan Indien via des boîtes à rythmes japonaises réimaginées à Detroit et qui se faufilent à travers le monde entier sur d’obscures pistes de danse underground. Attention !

Dans l’ADN même des cultures créoles, tout est inextricablement lié : comme les décharges électriques qui parcourent un cerveau, de nouvelles connexions et combinaisons sont faites chaque milliseconde. Quand ‘Curare’ frappe avec son rythme dancehall assez lourd, c’est une connexion qui prend tout son sens dans le contexte du Pangar, de la Réunion, du Créole. Là où d’autres essaient d’imiter et échouent, Pangar réimagine, combine et crée quelque chose de nouveau, tout comme la culture dont ils sont issus.

Tout comme Kwalud et Betnwaar, Ann O’Aro est une artiste réunionnaise qui s’efforce de réimaginer plutôt que de répéter ce qui a déjà été fait et refait. Elle est la voix la plus importante d’une nouvelle génération d’artistes du Maloya, défiant les conventions de genre en faveur de sa patte sonore personnelle et avant-gardiste. Ensemble, ils ont créé un morceau appelé ‘12’, une marque qui est utilisée dans le Maloya pour signaler la fin d’une chanson. Ici, le ‘12’ arrive inopinément en plein milieu, une « fausse fin » qui reflète la fausse fin du colonialisme lui-même, « l’histoire » qui est toujours une réalité dans les régions créoles.

L’EP se clôture avec ‘Tuvan’, un Bollywood muté rencontrant un monstre gabber sur la piste de danse : l’Afrique rencontrant l’Inde sur une petite île située à mi-chemin. En écoutant le « 1 » de Pangar, on a l’impression que cette petite île pourrait bien se trouver au centre du monde. On entend les influences et les idées musicales voyager à travers le studio de Kwalud et Betnwaar comme si elles étaient toujours destinées à ne faire qu’un, à devenir quelque chose d’autre, de nouveau.

 

Sortie le 18 septembre 2020 – Labels : InFiné / Eumolpe

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Pangar – 1
 
 

Tracklist

  1. $ea66
  2. Pangar
  3. Curare
  4. 12 (feat. Ann O’Aro)
  5. Tuvan